Les Gens déraisonnables sont en voie de disparition
Texte français Georges-Arthur Goldschmidt / Scénographie et costumes Jean-Paul Chambas / Musique Carlos d’Alessio
Avec Gérard Depardieu, Andréa Ferréol, Claude Degliame, Wojciech Pszoniak, Daniel Olbrychski, Jean-Luc Bideau, Patrice Kerbrat, Jean-Claude Dreyfus
Il s’agit d’un travail sur le texte, sur cette écriture particulière – et d’un travail sur les acteurs, – sur les tons, sur le jeu – pour ne pas trahir cette écriture –
Davantage qu’un décor (un immeuble à la pointe du nec plus ultra de la modernité) et davantage aussi que des « personnages » à qui il arriverait une « histoire », il faut montrer les lignes de forces, les courants, les poussées qui se rassemblent en masses et demandent à sortir.
Quand toute vitalité n’est qu’une structure maintenue sur le vide, ayant déjà rompu les lois de l’équilibre,
Quand la frénésie de l’expansion économique accentue l’écartèlement entre le moi construit par le monde extérieur et le moi profond devenu inatteignable et inintéressant « comme un morceau de savon qui nous échappe sous l’eau »,
Quand pour construire un monde raisonnable et pour exterminer tout ce qui n’est pas raisonnable, on parvient à l’absolue folie et à la dérision,
Quand pour une raison connue ou ignorée, parfois un intime détail, on se met à vivre, grossis et agrandis, une série d’instants immédiats, coupés ou séparés de ce qui précède et de ce qui les suit et qu’une totale nouveauté s’installe dans les rapports avec soi, les autres et les objets, parce qu’on se met à vivre « à l’heure de la sensation vraie » et que cela se traduit souvent par un excès de communication,
Quand le langage, si précis et contraignant qu’il soit, est en porte à faux et se détruit lui-même,
Quand l’apparence devient réalité et que cette réalité garde la fragilité de l’apparence – du jeu, du gag, de la plaisanterie,
Quand tout cela arrive à la fois, on est très près du monde spécifique de Peter Handke qui rend compte, en équation nouvelles, avec une honnêteté scrupuleuse, une minutie maniaque, de la complexité de sa conscience et de ses sensations et à travers elle, et non sans humour, des contradictions de la conscience de notre temps, laquelle ne peut se résoudre ni en préceptes, ni en slogans – fussent-ils sociaux ou politiques.
Claude Régy