L’Amante anglaise

 

Reprise 1 

 

Lumière Geneviève Soubirou 

Avec Madeleine Renaud, Pierre Dux, Michaël Lonsdale, Jean-Marie Patte (a), voix enregistrée de Marguerite Duras (a)

Les personnages sont là sur le podium. Sur la sellette. Comme enfermés dans une cage de verre, piqué du sérum de vérité (mais la vérité filtre aussi et peut-être mieux à travers le mensonge).

L’innocence est hérissée de culpabilité, la culpabilité noyée d’innocence.

Le crime c’est d’abord la possibilité du crime, elle est en nous. Nous sommes fascinés car à travers l’interrogateur qui tourne autour du podium mêlé à nous, cet homme, cette femme, que nous voyons en coupe, comme nous voyons les écorchés des plantes anatomiques, c’est nous, écorchés vifs, que nous voyons dans un miroir. Le crime, nous l’avons commis (ou rêvé, ou pensé – ou nous l’avons fait commettre, ou laissé commettre).

Nous sommes devant les vertiges des meurtres, avec notre envie d’être le criminel, ou de parler au criminel, de le connaître, de le comprendre, de nous identifier à lui.

Pour que soit possible cette identification il ne fallait pas faire du théâtre, monter sur une scène, jouer pour une assemblée, représenter quelque chose. Il fallait « être ». Il fallait retrouver l’atmosphère enfumée des salles de corps de garde, des salles de rédaction, des prisons, des bureaux de police, des assises, des salles d’attente, ou des salles de conférences mais aussi l’atmosphère - très propre – d’une salle d’opération. Il fallait que nous soyions tous assis, presque en rond, autour de l’acteur et que l’acteur (au fait l’acteur ou le personnage ?) soit soumis à l’épreuve vérité, cerné, regardé à la loupe, dans la lumière.

Les acteurs ne bougent pas. L’action est mentale, intérieure. Ils sont opérés devant nous. C’est un examen clinique, c’est une expérience, dans un endroit clos.

Claude Régy