Le Nom d’Œdipe

Opéra / Composition André Boucourechliev / Livret Hélène Cixous d’après Le Chant du corps interdit / Direction musicale Yves Prin / Scénographie Pierre Chambaz / Lumière Geneviève Soubirou / Costumes Patrice Cauchetier

Avec Sigune von Osten (soprano), Catherine Sellers, Claude Meloni (baryton), Michaël Lonsdale, Daniel Berlioux, Axel Bogousslavsky, chœur mixte à 12 voix

Le Chant du corps interdit porte à la scène, ici sous le nom d’Œdipe, la division, à tous les niveaux. Il montre comment Œdipe agent de la loi peut faire l’amour avec sa mère tant qu’elle n’est pas nommée, tandis que Jocaste qui sait avant tout savoir, depuis toujours, et qui sait être au-delà des mots, tente de délivrer Œdipe des noms qui font la loi. La situation tient à un fil(s) et à un nom.

Dans la première partie s’effectue la marche à reculons de l’homme qui dos à la vérité cherche à ne pas savoir ce qu’il sait en se rendant à l’appel séducteur de la ville, déjà il déserte Jocaste et, désertée, elle s’enfonce dans l’immensité de l’interdit : « ne dis pas ! »

Dans la deuxième partie Jocaste se consume du silence de cet homme : « il ne l’a pas dit ! ». Elle erre tout au long de la mort sans réussir à mourir car celui qui lui donnait à vivre chaque jour ne lui donne plus rien pas même la mort. Cependant en présence de Tirésias (qui ? Le divin aveugle ? L’autre Jocaste ? Œdipe jeune ? L’amour ?) elle cherche, trouve des forces vives pour gagner la mort.

L’espace scénique se divise alors en deux : tandis qu’elle s’achemine vers la mort Tirésias remonte le temps jusqu’aux sources de cet amour. En Tirésias le voyant, se déroule à partir de son commencement, l’histoire d’amour qui s’achève dans le corps de Jocaste. Les deux scènes se développent simultanément.

Alors, trop tard, Œdipe revient. Arrive comme la mort en personne. Pour tenter de reprendre au réel son bien, en niant le réel, la mort. Et face à l’irréel éternel, devient autre, fou, part avec le corps de l’aimée dans ses bras vers le voyage interminable.

C’est la mise en évidence dans cette fatale structure de l’interdit, dissimulé sous le rapport Homme-Femme, de l’attachement tout puissant de l’homme narcisse à la loi, qui donne à l’opéra sa dimension politique.  

Le nom d’Œdipe appelle dans l’ambigüité celui qui pourrait être la vie et s’avère la mort.